Tandis que la nuit s'étire et que la lune termine de prendre sa place, tout là haut dans le ciel, la population d'Astranaar profite enfin du semblant de calme qui revient sur la région depuis quelques jours.
Ailleurs, dans le vaste monde, quelques Orcs tentent de piller un village humain en bord de mer, une mince équipe de soldats de l'Alliance s'enfoncent la peur au ventre dans les Profondeurs de Rochenoire, une jeune prêtresse arpente les rues de Hurlevent dans l'espoir d'y trouver de nouveaux marchés économiques.
Plus loin encore, la Horde et l'Alliance, le ventre noué, font cause commune et franchissent d'un pas décidé la Porte des Ténèbres, qui les mèneront loin, très loin, dans les tréfonds de l'univers.
C'est à ce moment que Sylënce entre tranquillement dans Astranaar. Deux jeunes druides qui la reconnaissent la saluent avant de partir pour le Chant des Forêts. Avec un sourire elle les regarde s'éloigner...
Une voix résonne alors, venant du néant :
"Est-ce toi qui massacre la Horde en Orneval?"
Il va se passer quelque chose.
_ Je ne massacre pas la Horde.
_ Ce n'est pas ce qu'on m'a dit.
_ Je protège ces terres. Si les guerriers de la Horde rebroussent chemin, je les laisse partir en paix.
_ Je m'appele Elmayor. Et puisque tu protèges ces terres, sache que le Mal est entré en Orneval.
A ces mots, l'Elfe ferme les yeux. Quelle est cette sensation? Le mal?
Alors que toute personne censée eut voulu en savoir plus, l'esprit de l'Elfe se retourne sur lui même, vers le passé... Une grande lumière puis les ténèbres. Du sang et des larmes...
_ Es-tu là?
La voix la ramène alors à la réalité.
_ Je ne sais pas si le Mal est en cette forêt. Mais je sens une grande force qui approche.
_ En effet. Le Dévoreur te cherche. Il est là pour toi.
_ Non, il ne me cherche plus.
_ Comment cela?
_ Son œil est face à moi. Il m'a trouvée.
D'un ton heureux et apeuré en même temps, la voix reprend :
_ Et que vas-tu faire?
_ L'attendre, bien sûr.
_ Tu vas mourir. Il est là pour ça.
_ C'est possible, et même probable. Nous verrons.
Sylënce se retourne alors. Franchissant le pont, une silhouette disloquée avance vers le village. A ses côtés un chien. Immédiatement les sentinelles se ruent sur le Réprouvé qui ne s'écarte pas de son chemin.
Impossible de dire où les flammes ont surgit. Les pantalons et les vestes des sentinelles s'embrasèrent. Leurs chevelures devenaient des buissons ardents. Reculant en gémissant, et se cognant entre elles, les premières s'effondrèrent les bras en croix.
Sylënce senti de nouveau cette bouffée d'air chaud, ce déplacement d'air. Une sentinelle hurla silencieusement sous un voile mortel transparent. Ses traits fondirent, puis se mélangèrent comme du suif.
Elles avançaient maintenant le long de l'allée d'Astranaar, agitant les bras comme des aveugles, telles des épouvantails incandescents, puis s'écroulèrent face contre terre. Elles n'avaient plus du tout l'air d'être des Elfes. Le gros des sentinelles s'étaient figé. Le Dévoreur leur faisait face...
_ Ca suffit.
A ces mots tous se retournèrent vers elle. Le chien de l'enfer revint aux pieds de son maître. Une sentinelle empoigna son arme, mais le regard de la voleuse la lui fit relâcher. Toutes reculèrent.
Les flammes disparurent des mains du mort-vivant. Il s'inclina.
Sylënce s'avance de quelques pas puis s'inclina à son tour. Passant devant lui, elle marcha en direction du pont. Il lui emboita le pas.
Tout deux sortirent d'Astrannar. Juste derrières eux, quelques Furbolgs s'agitent dans leurs occupations nocturne, ne se sentant absolument pas concernés par la situation.
Une jeune druide s'apprêta à se ruer sur lui :
_ Non.
_ Mais, il...
_ Recule. Fuis cet endroit.
Obéissant à la voleuse, tremblante, la druide recule.
Maintenant ils se font face. L'elfette enduit ses lames de poisons. Une dernière fois, la voix résonne dans sa tête.
_ Il est prêt.
Sylënce esquisse un sourire :
_ Moi aussi.
L'instant d'après, le Reprouvé est seul. Son chien hûme l'air à plaine narines, cherchant à faire sortir des ombres son ennemie.
Pendant ce si court instant, qui semble pourtant durer une éternité, il devient difficile de savoir qui est le traqueur et qui est la proie.
Légèrement en retrait, Sylënce attend ce moment qui arrivera fatalement. Il suffit d'être patient, il arrive toujours... Maintenant. Surgissant des ombres elle égorge son adversaire. Aussitôt une violente douleur lui remonte de la cuisse. Le chien, bien que surpris, a réagi de façon fulgurante. Une lame s'enfonce dans le dos du Réprouvé, dégageant une odeur épouvantable.
Soudain la douleur. L'agonie pure et simple, comme si elle s'était retrouvée dans la cheminée d'un volcan. Sans trop savoir comment elle pouvait encore avancer, elle frappe encore. A nouveau sa dague immobilise l'abomination. Se plaçant derrière, elle lui inflige un coup surpuissant. Assez pour le faire chanceler, mais pas tomber.
Autour d'eux, l'herbe s'embrase. Une odeur de souffre et de mort se répand dans la forêt. Les Furbolgs ont fuit, pris de panique.
Devant elle, la route tremblote dans l'air surchauffé. Le ventre cuit par la chaleur, le corps rissolé par les flammes, vacillante dans ses vêtements en lambeaux, elle avance toujours, obsédée par son bourreau.
Le chien vient mordre dans son bras qui n'est plus qu'une masse de tissu et de chair brulée, laissant échapper du pus et une odeur fétide.
Emportée par son dernier coup, Sylënce tombe à terre et s'enfonce dans les ténèbres.
Surgissant du néant, un cheval de feu fait son apparition, des flammes lui sortant des naseaux.
Loin, très loin, à peine perceptible, la voix d'Elmayor raisonne une dernière fois :
_ Tu as perdu.